vendredi, décembre 6, 2024
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Coeur, Coran et Création : Une compréhension islamique pour notre combat pour le respect des Hommes, du monde et du révélé

بِسْمِ اللَّهِ ٱلرَّحْمـٰنِ ٱلرَّحِيمِ

Au Nom du Dieu unique, du Très-Clément et du Très-Miséricordieux

Éthique du discernement :  Jeux de lumières et langages des Signes…

Certaines spiritualités acceptent ou même vénèrent la représentation de Dieu, de Ses prophètes ou de Ses saints en prétextant qu’elle serait une médiation nécessaire pour accéder au Divin. L’Islam la refuse radicalement car le pas est trop vite franchi entre la Vérité qui est d’abord médiatisée (ou représentée) et le média (celui qui représente, l’intermédiaire) qui est finalement adulé.

Introduction : Re-connaitre Dieu sans intermédiaire ?

En Islam, toute relation indirecte à Dieu est inauthentique par essence car aucun « représentant » ne peut transcrire la réalité de Dieu ou la totalité de Sa Vérité. De plus, poser un intermédiaire entre soi et Celui que j’adore, c’est en conséquence entacher la proximité, l’intimité et la personnalisation du lien.

Mais si notre spiritualité refuse toute médiation, représentation ou délégation dans notre rapport au Créateur des Cieux et de la Terre, comment accède-t-on à Dieu directement ? Comment nous Parle-t-Il au quotidien pour nous guider, nous accompagner, nous apaiser ? Comment établir ce lien proche, personnel qui permet le dialogue direct avec son Créateur, essentiel pour toute spiritualité libre, pleine, épanouissante et vivante ? Comment entreprendre une réforme authentique du monde dans cette proximité directe ?

En fait, Dieu est là. Aussi proche de nous que notre propre veine jugulaire, Il nous parle. Il nous parle en permanence à travers Sa création et Ses révélations. Il nous parle directement à travers Ses signes et Ses lumières. Il nous parle… quand on veut bien L’écouter :

Dieu nous interpelle d’abord en notre for intérieur, à travers notre propre conscience éclairée car le souffle de Dieu est déjà en nous (fitra). Il a créé l’Homme, à partir de la matière mais aussi de Son souffle, ce souffle qui fait de l’humain un être, dans toute sa noblesse.

Mais nous devons prendre conscience et faire acte de discernement car nous avons aussi, en nous, nos passions et notre ego. Ces passions ne sont pas fatalement négatives, mais elles peuvent le devenir quand elles prennent une place, dans nos cœurs, qui n’est plus la leur. Seuls en sont exempts, les anges qui vivent dans l’adoration permanente et la pureté totale, dans les cieux, auprès de leur Créateur.

Nous, nous ne sommes pas ces êtres de lumière. Nous ne sommes que des Hommes qui vivons sur cette Terre, dans l’espoir aussi de vivre, autant que possible, dans la proximité du Miséricordieux. Pour cela, nous devons nous attacher à ce que nous avons déjà et qui procède de la constitution primordiale de tout être humain : Son souffle que le Très-Miséricordieux a installé en nous. Cette conscience éclairante qui rayonne dans notre cœur. Et nous n’avons besoin de rien, ni personne. Il suffit… d’être, d’être en soi.

Pour initier notre cheminement, nous devons prendre le temps de faire cette introspection personnelle et de discerner ce qui émane du Souffle divin de ce qui émane de notre ego. S’interroger et savoir méditer.

C’est un cheminement personnel entre soi et sa propre conscience qui n’a pas besoin d’intermédiaire. Trouver Dieu, c’est d’abord aller vers soi, ouvrir son cœur à sa conscience, se dé-couvrir. Et pour cheminer vers ce discernement, Dieu nous propose un moyen complémentaire, incontournable :

Car Dieu nous parle ensuite à travers Ses signes révélés (« signe » traduction du mot arabe « âya » qu’on traduit (mal) en français par « verset »). Le Coran, le livre révélé, est directement Sa Parole, dans sa forme et son fond. La Révélation est cette lumière qui, de l’extérieur, vient confirmer, en notre for intérieur, une conscience naturellement éclairée. Lumière sur lumière, comme nous dit le Coran, qui se révèlent et se reconnaissent mutuellement.

 

Beautés harmonieuses de ce jeu d’éclairages
qui illuminent des cœurs éveillés pour révéler le meill
eur.

Mais nous devons prendre conscience et encore faire acte de discernement car l’interprétation de cette Révélation écrite ne sera toujours qu’humaine. Ce n’est que le Coran, en lui-même, qui est divin. Ne faisons pas l’amalgame entre l’universalité et l’origine divine du Noble Coran et ses interprétations qui ne peuvent être que temporelles et faillibles.

Seul le prophète Muhammad (que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui, ainsi que sur sa noble famille) a su être un Coran vivant, marchant sur Terre. Modèle humain pour tous les temps et miséricorde divine pour tous les mondes, Dieu a décidé de le protéger de toute erreur d’interprétation.

Nous, nous ne sommes pas des prophètes infaillibles. Nous ne pouvons que nous inspirer de la méthode prophétique et suivre son exemple aussi intelligemment et aussi fidèlement que possible pour vivre le Livre révélé, très humblement. Et nous n’avons besoin de rien, ni de personne. Il suffit… de vivre, de vivre le Livre, en soi.

Pour initier ce second cheminement, nous devons prendre le temps d’approfondir la compréhension de ces Textes. Mais, à leur lumière, il faut poursuivre notre introspection personnelle. La lumière intérieure que Dieu a insufflée en nous (fitra) doit interagir avec la lumière extérieure que Dieu a révélée à nous (Coran). Et toujours faire le discernement entre la sacralité parfaite du Texte et l’humanité imparfaite de sa compréhension. Toujours s’interroger, méditer, et savoir se remettre en question.

C’est un cheminement difficile. Entre notre conscience éclairée et notre compréhension du révélé, nous n’avons pas besoin d’intermédiaire qui scléroserait la Parole divine. Trouver Dieu, c’est ouvrir son cœur à cette Parole révélée. Si les Signes (versets, ayat) révélés sont universels et intemporels, c’est qu’il faut en méditer profondément ses vérités spirituelles et temporelles pour les re-découvrir en permanence et les rendre vivantes à notre réalité. Il faut distinguer la réalité vivifiante du Texte divin de l’exégèse nécessairement fixée par l’humain. Et pour cheminer vers ce discernement, Dieu nous propose un moyen complémentaire, tout aussi incontournable :

Car Dieu nous parle enfin à travers Sa création déployée. Le monde est aussi un livre, où Dieu nous parle à travers les signes (ayat, versets) de Sa création. Les cœurs éveillés à la conscience de Dieu, où les lumières – innées et révélées – se sont rencontrées, comprennent ce langage des signes.

Car la clairvoyance est autant le produit de la rencontre des deux lumières (fitra et Révélation) que le produit de la rencontre des deux livres : celui des signes révélés et celui des signes déployés (Révélation et création).

Poésie parfaite d’un langage de signes
qui interagissent et interpellent notre cœur pour révéler le meill
eur.

Mais, encore et toujours, nous devons prendre conscience que lire les signes de notre monde, c’est savoir s’en imprégner sans s’y perdre. La création révèle d’abord la puissance et la sagesse du Créateur. Contempler le créé pour atteindre le divin, c’est autant respecter, méditer et réformer le monde que s’en détacher pour aller au-delà, vers Celui qui l’a créé.

C’est pour cela qu’il faut toujours se méfier de la médiatisation de notre réalité qui ne met en exergue que la superficialité de l’image qui trompe et les belles apparences qui subjuguent ; ce sur quoi, justement, il faut se détacher lors de la contemplation. Méditer les signes de notre monde, c’est en apprécier l’harmonie et la beauté, c’est atteindre sa réalité pour y reconnaître le Créateur, c’est le confronter à notre compréhension de cet autre signe qu’est le révélé, c’est s’en nourrir pour vivifier nos cœurs illuminés, c’est en fait, être et agir.

Seul l’être humain dans sa relation directe et vivante avec sa réalité peut vivre intensément ces moments et devenir le révélateur du Divin. Aucun écran, aucune machine, aucun outil médiatique ou technologique ne pourra remplacer cette relation directe. Cette proximité permet de méditer la création pour accomplir le révélé mais aussi de méditer la Révélation pour transformer notre réalité. C’est ce langage des signes qui seul peut induire cette créativité intellectuelle et cet épanouissement spirituel permettant la réforme. Il suffit… de lire, de savoir lire le monde, en soi.

Mais, nous ne sommes que des hommes. Quand notre ego insatisfait, notre compréhension parfois limitée des Textes et les illusions séduisantes de ce monde se mettent ensemble pour nous tromper, nous ne pouvons que nous en remettre à Lui. Nous devons nous tourner vers le Très Clément, réclamer Son secours et avouer humblement notre faiblesse. Et nous n’avons besoin de rien, ni personne pour cela. Il suffit… d’y croire et de le vouloir.

Pour persévérer dans ce cheminement, nous devons donc protéger nos cœurs en poursuivant inlassablement notre introspection à la lumière de notre compréhension des Textes, en vivant intensément notre relation au monde, tout en s’en détachant pour ne pas se perdre. Toujours s’interroger, méditer avec Lui et être au monde.

Ce sont les cœurs éveillés par la lumière du Souffle primordial et guidés par l’éclairage apaisant de la Révélation qui peuvent comprendre le langage divin et subtil des signes du Texte et du contexte, quand ils interagissent et se reconnaissent mutuellement. Car il n’est pas possible de décrypter la compréhension de l’un sans la mettre en relation avec l’autre : on ne peut pas comprendre la profondeur des Textes sans la contemplation du monde. Comme on ne peut pas comprendre le monde sans la contemplation des Textes.

Quand notre présence au monde est pervertie,
c’est bien le signe d’une relation au Texte qui est déséquilibrée.

Si la lumière extérieure de la Révélation vient apaiser et confirmer la lumière intérieure des cœurs. De même, c’est la contemplation des signes de la création qui permet de s’apaiser et de confirmer le projet divin des signes de la Révélation.

Lumières et signes de Sa clémence
Qui s’entrecroisent et s’échangent en permanence,
Pour révéler et confirmer Sa transcendance,
Pour apaiser et réformer notr
e existence.

Conclusion : S’émanciper, condition du Retour

Cette relation harmonieuse entre soi, la Révélation et la création, ce langage à la fois subtil, exigeant et poétique des signes qui enchantent sans cesse notre réalité et nous orientent, ce jeu des lumières qui illuminent notre être et éclairent notre voie ; c’est le cheminement difficile du discernement de l’être humain qui s’est re-trouvé et re-connu. Ce cheminement consiste d’abord à re-venir à notre constitution primordiale pour que les cœurs re-trouvent la vue et comprennent le monde et le révélé.

Lorsque nous pervertissons l’harmonie de ces trois mondes (soi, Révélation et création), nous devenons alors sourds au langage de Ses signes et aveugles face à toutes Ses lumières :

  • C’est alors que les appels du moi nous trompent quand nous confondons les douces lumières de la conscience apaisante et les flashs aveuglants d’un ego endiablé. Et c’est donc l’émergence de cette égocentrisme délirant et de cette individualisme destructeur qui s’installent sur l’injustice.
  • C’est alors que les lumières du monde nous aveuglent quand les apparences trompeuses et les images séduisantes ne nous permettent plus de contempler pour nous rappeler et atteindre la réalité. Et c’est les excès du scientisme réducteur et de cette modernité technologique qui n’aspirent qu’à la domination.
  • C’est alors que les lettres du Texte nous égarent quand nous nous limitons à la sécheresse légale des signes interprétés sans entrer dans la beauté totale des signes révélés. Et c’est le dogmatisme intolérant et le littéralisme étroit qui imposent son ignorance.

Mais Dieu nous a gratifiés de lumières et d’innombrables signes qui sont en nous et qui nous entourent pour nous permettre de toujours discerner et combattre à la fois toutes ces ignorances, ces injustices et ces dominations.

Pour cela, il faut savoir reprendre le contrôle de son existence, ne plus vivre par délégation et refuser toutes ces médiations aliénantes. Car c’est l’être libre et émancipé qui est le plus réceptif à la lumière et aux signes de Dieu.

Et Seul Dieu sait et décide de tout.

 

Yamin Makri

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