Tawhîd et gérance
Nous avions parlé, dans notre seconde partie, de la relation qui existait entre le propriétaire – Dieu – et le gérant – l’être humain – en islam. C’est sans aucun doute dans le domaine de l’économie que la nature de cette relation va avoir le plus d’impact. L’enseignement du tawhîd est fondamental : Dieu seul possède dans l’absolu et Il a mis la terre à la disposition des hommes. :
« Ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre appartient à Dieu… » Coran 2/284[1]
« Ne voyez-vous pas que Dieu a mis à votre service ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre ? Il a répandu sur vous des bienfaits apparents et cachés… »Coran 31/20
L’idée de gérance (khilâfat) donne la priorité aux devoirs sur les droits. Il y a certes la permission originelle, mais il existe des limites à respecter. Ainsi, tous les éléments sont des signes (ayât) de la création et, en soi, ils sont sacrés : cette seule remarque va avoir des conséquences importantes. Tous les hommes peuvent, et ont le droit inaliénable, de jouir de toutes les ressources naturelles puisqu’elles ont été mises à leur disposition par le Créateur ; mais cette jouissance ne peut aller jusqu’à perturber l’ordre naturel par une exploitation sauvage des éléments et un irrespect des « signes ». Les considérations écologiques sont inhérentes à la philosophie de l’action en islam : jouir des ressources devant Dieu impose que nous les respections.
Le Créateur veut le bien pour les hommes et l’on ne saurait admettre l’oubli de cette volonté. Ce qui est vrai pour la dimension écologique – au sens de l’utilisation des ressources – l’est autant pour ce qui concerne la sphère de la production. Nous l’avions dit, ce qui caractérise une bonne production, c’est la qualité morale de ce qui est produit : les paramètres de productivité, de rentabilité, de prix de revient, etc. ne sont rien et sont évidés de leur sens s’ils servent de mesure à la production de l’inutile, du dérisoire ou, plus largement, du destructeur. L’homme doit produire, à l’évidence, mais jamais pour le seul profit ; l’homme doit consommer, mais toujours à la mesure de ses réels besoins. Il ne faut pas omettre de rappeler la nécessité de tenir compte de l’intérêt supérieur de la société qui, en écho aux valeurs divines, fixe des limites à toute exploitation égoïste et inconsidérée. C’est la problématique contenue dans la reconnaissance de la propriété privée.
[1]. Toutes les religions se retrouvent sur l’essence de cette vérité et tous les textes fondateurs en traduisent la portée.